Qu’est-ce qu’un bon leader ? Cette question – cruciale, car la performance d’une entreprise dépend étroitement du talent de ses leaders – mérite de plus en plus d’être posée et reposée à l’heure où de nombreux bouleversements secouent les entreprises et redéfinissent en profondeur les modes et organisations de travail. Elle est d’ailleurs au cœur des préoccupations des entreprises, qui sont 87% à considérer la refonte du modèle du leadership comme l’un des plus grands défis à relever dans les prochaines années. S’il devient de plus en plus évident que les modèles traditionnels ne fonctionnent plus, comment alors repenser le rôle du leader ? Comment, face aux mutations que connait aujourd’hui le monde du travail, les contours du leadership sont-ils amenés petit à petit à être redessinés ?

Manager par le sens

L’un des phénomènes les plus marquants que vit actuellement le monde de l’entreprise est l’arrivée, massive, sur le marché du travail de la Génération Y. Ces jeunes nés entre les années 1980 et 2000 constituent aujourd’hui en France environ 1/3 des actifs, et représenteront en 2020 environ la moitié de la masse salariale française. Pour cette génération, les notions d’engagement de l’entreprise et de sens donné au travail sont des notions fondamentales. L’entreprise, pour eux, ne doit pas seulement chercher à générer un profit financier immédiat – sa vocation est également d’impacter positivement et sur le long terme son environnement au sens large : employés, clients, partenaires, société, planète.

Face à cette nouvelle génération de collaborateurs qui conditionnent leur engagement à leur adhésion au modèle de l’entreprise, le leader doit autant, sinon plus, insister sur les valeurs portées par l’organisation (éthique, intégrité, confiance…) que sur ses objectifs financiers. Il doit savoir mettre l’accent sur la façon dont l’entreprise se comporte avec ses clients, contribue à l’évolution de la société et développe ses talents. Il s’agit essentiellement d’une mission de pédagogie et de communication : plus il saura communiquer sur le sens du travail de chacun, mieux il parviendra à fédérer et motiver ses équipes.

Simplifier la vie de ses collaborateurs

D’après notre étude consacrée aux tendances RH 2015, un individu passe en moyenne 25% de sa journée de travail à lire ses mails et 74% des salariés interrogés évaluent leur environnement de travail comme « complexe » ou « très complexe ». Ces chiffres confirment une autre tendance, de plus en plus structurante de nos environnements de travail : l’explosion de l’hyperactivité et le sentiment, croissant chez les salariés, d’être submergés dans leur travail. Surinformation, connexion en continu qui brouille la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle, multiplication des mails, des sollicitations et des réunions, rythmes de travail qui s’accélèrent…soumis à une telle pression, le salarié peut rapidement s’épuiser, commettre des erreurs et limiter progressivement son engagement.

Face à cette nouvelle forme de mal-être, le leader a un rôle important à jouer, à plusieurs niveaux :

  • Accompagnement et conseil : le leader aide les salariés à mieux gérer leur temps et leurs priorités, les accompagne dans la gestion de la surinformation. Il peut suggérer (et respecter lui-même !) quelques règles simples : par exemple prévoir des heures de déconnexion le soir et le weekend, lire seulement deux fois par semaine les mails dont on est juste en copie ou se forcer à rester concentré sur un sujet à la fois, surtout en réunion.
  • Changements organisationnels : il s’agit de repenser la taille des équipes et de simplifier les processus de travail (en décentralisant et en libérant par exemple la prise de décision)
  • Evolution des mentalités : le leader initie une réflexion sur le télétravail – qui n’est pas synonyme de désengagement, et sur le fait d’être débordé – qui n’est pas forcément un signe d’importance.

Tout l’enjeu, pour le leader, est de trouver un juste milieu entre une posture trop « paternaliste » qui le conduirait à déresponsabiliser ses collaborateurs et trop s’immiscer dans leur quotidien et leur organisation, et une posture passive qui nierait les difficultés vécues.

Anticiper les évolutions futures des métiers

Une troisième tendance majeure est aujourd’hui là l’œuvre dans le monde de l’entreprise : la transformation de plus en plus rapide des métiers, sous l’effet conjugué de la diffusion des technologies numériques, de la dématérialisation des données et de l’émergence des machines intelligentes, qui sont à la fois génératrices de création, de destruction mais également de recomposition des métiers. On prévoit qu’à l’horizon 2020, 50% des emplois seront impactés à 50% par les technologies cognitives . Pour maitriser cet environnement en constante évolution, les collaborateurs doivent développer de nouvelles compétences, adopter de nouveaux modes de travail (plus d’innovation, plus de transversalité…) s’adapter et évoluer en permanence.

Le leader a ici un rôle clé à jouer, d’autant que la nature et les conséquences de ces mutations sont encore mal connues, et peuvent générer des inquiétudes : selon notre étude, seules 5% des entreprises ont une compréhension précise de la manière dont les technologies cognitives vont impacter leurs salariés. Il est donc de son devoir, notamment grâce à la formation, d’aider ses équipes à maitriser leur environnement et à s’adapter mieux, plus vite, aux évolutions en marche.

Redéfinir l’évaluation de la performance

L’évaluation de la performance des salariés est une composante traditionnelle et bien connue du rôle du leader. Pourtant, les dispositifs classiques d’appréciation et de récompense de la performance ont montré leurs limites et sont progressivement remis en question, entraînant par là-même un changement de posture important de la part du leader. L’entretien annuel d’évaluation, notamment, semble en effet de plus en plus inefficace et inadapté.

Inadapté, d’abord, à l’instabilité croissante du monde économique actuel : nouveaux business modèles, innovations de rupture, nouveaux concurrents, marchés mondiaux imprévisibles…comment fixer des objectifs sur l’année à venir quand on ne sait pas de quoi demain sera fait ? Dans un monde en perpétuelle mutation, les objectifs eux-mêmes sont amenés sans cesse à évoluer.

Inadapté ensuite au rythme de travail actuel de la plupart des salariés qui, en un an, sont désormais susceptibles de travailler sur un nombre croissant de projets différents, avec une multitude d’interlocuteurs, et de réaliser des tâches de plus en plus variées. Dans ce contexte où les cycles courts s’enchainent avec rapidité, une rencontre une fois par an n’est plus du tout suffisante, ni pour effectuer les ajustements nécessaires en cas de difficulté, ni pour saluer la performance en cas de succès.

Inadapté, enfin, aux attentes des nouvelles générations : notre dernière étude dédiée à la génération Y révèle que les jeunes employés souffrent aujourd’hui d’un manque de reconnaissance de leurs compétences managériales. Face à cette génération en manque de reconnaissance, le leader ne peut plus se contenter d’un entretien annuel pour évaluer les résultats, féliciter et récompenser le cas échéant.

Le nouveau rôle du leader est donc d’apporter davantage de feedback à ses équipes et de réaliser des revues plus régulières et moins formelles tout au long de l’année. Le but est d’abandonner le cycle traditionnel de la revue de performance annuelle au profit d’un cycle continu de coaching et de développement des équipes. Ce point semble avoir été compris par la majorité des entreprises françaises qui déclarent dans notre étude avoir développé une culture du feedback entre les collaborateurs et les managers. Mais au-delà de la fréquence des entretiens, c’est également le contenu et la nature des échanges qui doivent être revus. Plus que sur une logique de bilan et de notation, centrée sur le passé, l’entretien devrait davantage être tourné vers l’avenir et l’amélioration de la performance.

Pour conclure, le schéma de leadership traditionnel « unique » est amené à s’enrichir à mesure que de nouvelles dimensions sont intégrées. La quête du sens, la simplification, la prise en compte de l’évolution des métiers et la redéfinition des modalités d’évaluation sont quatre axes sur lesquels bâtir de nouveaux modèles.

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