L’inflation est un virus mutant. Il naît en général sous la forme bénigne d’une hausse des prix modeste, qu’on essaie de canaliser. On ? Tout le monde : les banquiers centraux, les marchés financiers, les politiques, les entreprises, les épargnants. Le plus souvent ça marche, autour de 2% l’an. Plus exactement, ça a marché pendant des années.

La pire séquence des mutations est en effet celle que nous venons de vivre : montée de l’inflation jusqu’en 2007, puis crise profonde, avec déflation au Japon, en Espagne, en Grèce et même en Chine. L’inflation trop forte est alimentée par des idées trop optimistes et du crédit trop abondant. Chacun se dit qu’il faut acheter plus en s’endettant, logement ou actions notamment. C’est un choix qui paraît gagnant des deux côtés : demain les actions et les logements vaudront bien sûr plus cher, alors que le taux d’intérêt réel aura bien sûr baissé (taux  nominal moins inflation). J’achète un actif qui montera, avec une dette qui baissera ! Imparable…

Sauf quand le virus mute soudain, sous l’excès de la dette. Ce qui marchait ne marche plus. La banque centrale remonte ses taux. Les profits escomptés en hausse sont revus en baisse. La croissance se retourne. Les idées roses laissent place aux idées noires. Alors c’est la déflation : les prix demain seront bien sûr plus bas qu’aujourd’hui. Donc j’attends pour acheter demain, puisque ce sera moins cher. Et comme l’idée se répand, personne n’achète aujourd’hui (ni demain d’ailleurs) et tout baisse : les prix des biens et des services, plus les actions. Alors ceux qui se sont endettés s’inquiètent, car rembourser demain sera plus cher : donc remboursons aujourd’hui si possible et ne nous endettons plus. 1929 !

L’inflation s’alimente par les idées et le crédit. La déflation s’autoalimente par les idées seules. C’est pire. Pour l’arrêter, il faut que les banques centrales fassent plus de crédit, en annonçant plus d’inflation ! C’est ce que nous vivons dans le monde entier, où les grandes banques centrales achètent des bons du trésor pour faire baisser les taux d’intérêt à long terme (quantitative easing), ayant déjà diminué au maximum leurs taux courts, et annoncent 2% pour bientôt. Il s’agit de désespérer l’épargnant et de pousser l’entrepreneur à investir, puisque les taux sont très bas. Et en Chine, sans que la Banque centrale parle autant que les nôtres, c’est bien la hausse du crédit qui soutient la remontée des prix.

Et après ? Les prix futurs dépendront des crédits futurs et des idées sur le futur. Libérer trop vite le crédit peut conduire à un effet de choc sur les taux courts et surtout longs. C’est un krach obligataire rampant. Il a déjà commencé aux Etats-Unis et il faut le calmer. Autrement on risque de replonger en déflation !

La Draghiflation est la poursuite de la politique de baisse des taux pour faire repartir l’inflation en zone euro, sous deux à trois ans. Compte-tenu de la faible croissance de la zone elle peut marcher, sauf contamination par le virus américain, mais c’est de plus en plus compliqué.

L’Obaflation est la politique menée aux Etats-Unis pour faire repartir l’inflation et sortir de la crise les Etats-Unis, puis tous les autres. Après des tombereaux de crédit pour acheter des bons du trésor, voilà aujourd’hui des heures de discours (forward guidance) pour guider les anticipations d’inflation vers 2,3%, mais pas plus !

Trumpflation : c’est la mutation en cours. Soutenir la bourse par des avantages fiscaux aux plus hauts revenus, alors qu’elle est déjà à un niveau record, ne va pas de soi. Soutenir l’économie par des grands travaux, alors qu’elle est déjà en plein emploi, est la meilleure façon pour accélérer l’inflation qui renaît. En plus, le Président-élu veut chasser la main d’œuvre illégale par millions et freiner les entrées ! Résultat : inflation boursière + inflation salariale. Alors, la Fed va devoir accélérer ses hausses de taux courts et il lui sera très compliqué de calmer les anticipations de hausse de l’inflation, avec en plus un dollar, un pétrole et des taux longs qui montent !

Draghiflation contre Trumpflation ? C’est le combat actuel des deux formes du virus. La première forme veut jouer les prolongations. L’autre devra dire où elle veut aller. Trop d’inflation américaine : les marchés prennent peur. Trop peu : les électeurs de Donald Trump diront qu’ils veulent une politique plus audacieuse. Un rapprochement des deux ? Le virus à 2% est-il mort ?

 

Chaque semaine, au travers du Weekly Briefing, je vous livre un regard économique et financier sur la conjoncture et l’actualité. Si vous êtes intéressé, cliquez pour vous abonner.